Tanguy

BirmanieXFranceXSlovénie

Je retrouve Tanguy à son bureau un soir, musique électro en fond, cigarettes roulées, on commande japonais. C’est la première fois que je le vois et j’ai l’impression de le connaître depuis longtemps. Il me raconte sa vie, moi un peu la mienne et puis on parle de plantes, (l’une de ses passions) : de murs végétalisés, de son prochain projet professionnel autour de « l’urban farming ».

Après la botanique, vient l’astronomie et l’astrophysique. On discute de planètes, et surtout de la lune, dont il me demande si je connais l’histoire … « Toute la vie sur terre, les marées, c’est grâce à la lune ! » Et puis entre tout ça, on parle de la Birmanie et d’Aung Saung suu kyi, icône non-violente, prix nobel de la paix, de bouddhisme, d’identité et de sentiment d’appartenance nationale.

Tanguy, c’est un entrepreneur visionnaire au caractère excessif : hyper actif, hyper souriant, hyper passionné, hyper précis. Une force de la nature qui a un côté Dragon Ball Z presque ! Kaméhaméha… l’alarme défectueuse se met en route toutes les 20 minutes, moi je pars dans tous les sens, un sacré bordel. Alors le métissage dans tout ça ? La Birmanie ? la Slovénie ?

Tanguy c’est bien l’incarnation du mélange : né aux philippines, grandi en Australie, France, Pays-Bas, un prénom breton, un nom de famille chinois, il se décrit comme un « terrien ». Avec son enthousiasme plus que communicatif, il veut avoir un impact sur le monde, le changer le monde même… rien que ça ! mais je l’en crois capable, le pire…

  • Prénom : Tanguy
  • Âge : 32 ans
  • Profession (s) : Entrepreneur / CEO de son entreprise UBICAST
  • Mix : Birmanie x France Slovénie
  • Vit à : Paris

Paris > Rangoun

Ses parents se rencontrent en Birmanie, dans les années 70. Après un divorce, sa mère, Michèle, diplomate, accepte un poste à l’ambassade de France en Birmanie ; elle veut changer de vie. Elle débarque en Birmanie, dictature militaire, où la communauté étrangère se mélange peu et reste soudée. Elle rencontre pourtant le père de Tanguy, Zaw Min, grand photographe birman aux longs cheveux noirs, lors d’une soirée d’étrangers à Rangoun.

C’est le grand amour : elle, qui vient d’une famille chrétienne et lui, bouddhiste pratiquant, se marient sur place, au cours d’une cérémonie religieuse, entourés de moines. Les parents de Michèle sont présents au mariage et soutiennent leur fille; du côté birman, c’est plus polémique ! En effet, lui, déjà marié avec un enfant, beau-frère d’Aung Saung Suu kyi, est issu d’une grande famille très ancienne, influente en Birmanie (des descendants directs du roi). La perspective de le voir divorcer pour se mettre avec une femme blanche venant de France ne les ravit pas.

De cette union naîtra leur premier enfant à Bangkok, Melody, suivra Tanguy qui naîtra aux Philippines où ils vivent pendant 8 ans. Ils s’installent ensuite en Australie, à Sydney (les meilleurs moments de l’enfance de Tanguy : à faire du surf, du kite), puis aux Pays Bas et enfin en France lorsque Tanguy a 18 ans. Ils divorcent lorsqu’ils vivent en Australie puis retournent chacun d’où ils venaient : le père en Birmanie, la mère dans le sud de la France.

De père en fils

Le père de Tanguy a toujours eu un regard critique sur les birmans, pas assez ouverts et cultivés à ses yeux. Malgré son choix de quitter son pays et de fonder une famille avec une occidentale, il semble avoir souffert de cette posture loin du modèle de la famille traditionnelle birmane…

A leur arrivée en Australie, la mère fait vivre la famille; une posture difficile pour le père qui est devenu homme au foyer. Il devient très autoritaire, colérique, et Tanguy se demande parfois s’il n’aurait pas aimé avoir un père plus « occidental » qu’il idéalise d’avantage comme un coach, un accompagnateur. Il associe cette image du père autoritaire, qui te dit quoi faire à son côté asiatique. Deux visions s’affrontent : « Le respect est dû » imposé par le père, alors que la philosophie de Tanguy est  « le respect se mérite ». D’ailleurs, au moment où je le rencontre, il n’a pas vu son père depuis 6 ans. Il aurait aimé partager davantage avec lui et considère que ce côté très autoritaire est bien l’héritage de la culture birmane… Mais cet autoritarisme est-il finalement lié à ses origines ou à la posture du père « classique » et de sa représentation au sein de la famille ?

Malgrè cette différence de vision, la passion de l’image se transmet de père en fils puis en petit-fils : le grand-père de Tanguy est le premier producteur de cinéma en Birmanie, le père lui devient photographe et réalise de nombreux documentaires. Il devient le photographe le plus connu de Birmanie par ses accès dans des lieux impénétrables du pays. En effet, plusieurs membres de sa famille ont rejoint l’armée dans les années 70 au moment où la junte militaire s’est imposée comme organe dirigeant du pays et lui ont permis de circuler librement. Encore aujourd’hui il a accès à des zones du pays, inaccessibles toujours en guerre civile.

Tanguy lui, lance son entreprise dans la vidéo sur Internet…

« Au niveau culturel et spirituel, tout vient de lui … »

Tanguy

Famille de soigneurs

Tanguy est allé plusieurs fois en Birmanie, « le pays de la spiritualité », un lieu qu’il porte dans son cœur… Il le décrit avec fascination comme un voyage dans le temps, où l’on peut croiser par endroits des bouddhistes pratiquants, des ermites qui vivent d’énergies dans la montagne. Il relève le contraste entre l’opulence de la capitale, Rangoun, construite autour d’une pagode de 120 mètres de haut, composée d’or pur, et la pauvreté de ses habitants.

Lui se définit comme un bouddhiste spirituel ; une philosophie qui les rassemble d’ailleurs dans la famille. Sa mère s’approprie cette culture (son propre père franco-allemand devient d’ailleurs guérisseur.) Aux philippines, dans des zones extrêmement pauvres, le couple accueille sous leur toit un guérisseur local et voit défiler de nombreux patients chez eux. Tanguy me dit se souvenir d’opérations chirurgicales à mains nues. La sœur de Tanguy, elle, devient Chamane et pratique les accouchements sans douleur au Canada.

« Au niveau culturel et spirituel, tout vient de lui …  »

Une philosophie qui vient de son père donc mais dont il a souhaité faire sa propre expérience et s’approprier une opinion sur la question. Tanguy est Intimement convaincu de la réincarnation, l’existence d’esprits, de forces qui nous dépassent. Il a vécu des expériences qui lui ont permis de confirmer ses croyances. Lorsqu’il a 16 ans, a été très marqué lorsqu’il a vu une femme hindou faire la traversée des braises en Birmanie. Le début de la formation de son image mentale entre le monde physique et le reste… « le monde immatériel dont on ne connaît encore rien. » Passionné d’astrophysique et d’astronomie pour ces raisons. Il m’explique qu’en astronomie, la matière c’est seulement 4% de ce qui nous entoure… effectivement ça donne à réfléchir. Les 96% restant ? de la matière noire, de l’énergie noire… La spiritualité est très ancrée dans sa personne et c’est ce qui forge sa vision du monde.

« Moi ? je suis terrien ! Les frontières dessinées ne veulent vraiment rien dire… »

Tanguy

Nationalité ? Terrien !

Tanguy dit ne pas ressembler à ses parents. On a d’ailleurs toujours demandé à leur mère si elle avait adopté ses enfants. Il pense que sa sœur fait plus « asiatique » que lui. Quand il est bronzé, on le prend pour un tunisien, un mexicain, vénézuélien : un côté caméléon qu’il trouve cool.

Mais en fait toi tu dirais que tu viens d’où ? « Moi je suis terrien ! Tu ne peux que te considérer comme terrien. Les frontières dessinées ne veulent vraiment rien dire. »

Cette idée de nationalité « terrienne » fait partie intégrante de sa construction. Tanguy ne s’identifie pas à un morceau de la terre. De nationalité française, il ne se sent ni français, ni birman. Sur son compte Facebook ? From : Sydney, Australia; le lieu avec lequel il s’identifie le plus. Il pense qu’il a cette approche parce qu’il a cette posture de métisse ; une réponse qui lui permet de se donner une appartenance.

Côté maternel, une famille de voyageurs également. Un ADN de voyageurs aventuriers dont Tanguy et sa sœur ont hérité.Très marqué par la guerre, son grand-père a voulu fuir l’Europe. Il part avec son épouse Slovène, en Amérique du Sud. 25 jours de bateau plus tard, ils s’installent en Uruguay, où la mère de Tanguy naît à Montévideo.

Content de ne pas s’attacher à un nationalisme, Tanguy partage d’ailleurs peu de valeurs avec la France qu’il voit comme un point de passage. Un certain snobisme qui ne lui correspond pas… « Le vouvoiement par exemple, ça crée une distance! » Il pense qu’il va bientôt quitter la France pour s’installer à l’étranger. En charge du développement à l’international de son entreprise, il se sent le plus lui-même et le plus performant lorsqu’il parle en anglais.

 

 

« A l’origine, le riz, c’est à la fois le blé, le bambou et l’herbe… « 

Tanguy

Alors, tous issus de la même graine ?

« Le métissage, ça présuppose la notion de race et de séparation », notions que Tanguy ne ressent pas. « D’ailleurs à quelle échelle placer cette séparation? Géographique, culturelle ? Le riz, c’est à la fois le blé, le bambou et l’herbe… »

Très proche de sa famille, il vit son mélange et ses origines comme une vraie source de richesse. Poussé par sa mère, ses profs, il fait de hautes études et lance directement son entreprise sans passer par la case salariat. Il s’est toujours senti différent; la sensation d’avoir un pouvoir… Il s’est parfois senti seul aussi et pense que le mélange peut être un facteur de solitude, mais pas le seul. Le mélange, la mixité, le fait de ne pas avoir de point de chute a vraisemblablement alimenté son sentiment de différence… Tanguy ressent qu’il vient de partout ; comme la plante du film Leon; un pot qui a été baladé, qui a toujours voyagé et qui n’a pas pu s’enraciner quelque part.

Connecté aux autres, il se sent investi d’une mission, quitte à sacrifier sa vie personnelle : faire du bien autour de lui avant lui-même, il ressent une connexion essentielle entre les gens mais paradoxalement, une capacité à ne pas avoir d’attaches…

 

Portrait mixologies

si Tanguy était :

Un animal
un dauphin : s’amuse, vit en groupe, surfe, et communique
Une odeur
la terre, 15 minutes après la pluie
Un cocktail
le « White Russian » : vodka, kahlua (liqueur de café) et crème
Un plat
le riz
Un son
le « om »
Une couleur
le rouge
Un verbe
être
Un sentiment
l’amour
Une citation
« The race is long, hard but in the end it’s only with yourself »
Un paysage
un coucher de soleil sur la mer
Un objet
un quark, (l’élément le plus petit dans l’univers)

 

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