Valérie

AntillesXEspagneXFrance

Quand on rencontre Valérie, on est submergé par son énergie communicative, ses yeux pétillants qui illuminent une couronne de boucles brunes, et son sourire immense qui laisse entrevoir ses gencives ! Elle me fait d’ailleurs remarquer qu’elle a les gencives marron. A cet instant, je m’interroge sur la couleur de mon patrimoine gingival… (Je vérifierai plus tard dans mon rétroviseur. Conclusion : les miennes sont roses…)

Elle m’accueille chez elle, robe noire et lèvres rouges, les poignets cerclés de bracelets de pierres, précieux grigris protecteurs… Au milieu des vapeurs d’huiles essentielles s’élève la voix soul et suave d’Erykah Badu ; on s’installe devant un thé vert et des viennoiseries, c’est ma première interview Mixologies ! Je me sens un peu nerveuse, mais Valérie, cette femme généreuse et forte qui connaît son lot d’emmerdes, elle a les mots qui rassurent, qui t’encouragent et te donnent des perspectives. Elle me confie lutter depuis plusieurs années contre une grave maladie, ce que je n’avais pas imaginé une seule seconde… Elle n’en a pour autant pas perdu une goutte de son « fighting spirit » et me parle de la technique de la visualisation positive, de la confiance qu’elle met en chaque projet et son optimisme force le respect, le mien en tout cas…

Valerie
  • Prénom : Valérie
  • Âge : “On est obligées ?”
  • Profession (s) : Professeur d’arts appliqués & design dans un lycée du 93
  • Mix : Antilles x Espagne
  • Vit à : Paris

Mélangée ?

Lorsque je l’interroge sur sa vision du métissage, Valérie me parle d’Amour : « Est-ce qu’on a besoin de le définir ? C’est avant tout deux êtres qui se rencontrent et qui tombent amoureux… puis font des enfants.

Tout simplement. Je la trouve romantique.

« Est-ce qu’on a besoin de le définir ? C’est avant tout deux êtres qui se rencontrent et qui tombent amoureux… puis font des enfants. »

 

C’est donc une histoire d’amour qu’elle me raconte avec passion, celle de la rencontre de ses parents. En 64, sa mère, issue d’une famille espagnole de vignerons installés près de Béziers, est envoyée à Paris dans un foyer de jeunes filles à la recherche d’un travail. Elle a 18 ans lorsqu’elle croise le regard noir du premier noir de sa vie. C’est le coup de foudre ! Lui, un dandy Guadeloupéen de Marie Galante arrivé en Métropole pour faire ses études, deviendra agent de maîtrise.

Le mariage ne se fait pas attendre : en 65, noirs et blancs célèbrent l’union des amoureux dans un petit bourg du Languedoc. Evidemment tout le village est au rendez-vous : les noirs se font rares dans la région ! Deux filles naîtront de cette union : Valérie et sa sœur. Les parents sont toujours ensemble…

 « Hybride hispano-antillais » 

 

« Mon métissage ? Une source de tolérance et d’ouverture avant tout ! » Valérie semble être un cocktail parfaitement équilibré aux saveurs fruitées et intenses ! Enfant, elle ne voit pas les couleurs, n’entend pas les accents chantants qui peuplent sa maison. En aucun cas une source de faiblesse : « Deux patrimoines génétiques aussi éloignés, c’est forcément bénéfique ! » Cette approche scientifique qui ne m’avait jamais effleuré l’esprit me convainc instantanément… 

« Deux patrimoines génétiques aussi éloignés, c’est forcément bénéfique ! »

Et puis « en côtoyant les deux mondes, on sait faire la part des choses. On n’est pas dans le jugement… » Valérie refuse les stéréotypes. Elle pense que nous serons tous métisses un jour, et que contrairement aux propos de notre chère Nadine Morano, la France n’est pas et ne sera jamais un pays de race blanche, les français seront de toutes les couleurs, et chacun y sera habitué !

Pourtant elle partage une anecdote amusante qui révèle toutes les contradictions de la nature humaine : la naissance de son fils ! (Elle a deux beaux enfants, fille et garçon) « Il était blanc … »  Stupéfaite, Valérie ne comprend pas pourquoi son fils ne sort pas d’elle le teint hâlé…

« Mais il est blanc !!!!??? Vite, vite, enlève-lui sa couche que je regarde si ses c****** sont roses ou brunes !* »

*Façon d’avoir une idée de la teinte future du bébé qui fonce progressivement.

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Ti-punch ou sangria ?

Elle se sent très proche de la communauté guadeloupéenne parce que « c’est la couleur que l’on voit en premier sur elle » mais elle est également attachée à la culture du Midi avec sa terre et ses vignes (bien qu’elle me confie détester le vin). Elle prône les valeurs communes à sa famille espagnole et guadeloupéenne : l’accueil, la culture du recevoir.

Si Valérie ne parle pas espagnol, elle comprend parfaitement le créole mais n’envisage pas une minute de l’utiliser pour s’exprimer : « Ca ne sort pas… Impossible! » Quand on lui parle créole aux Antilles, elle répond en Français.

À l’âge adulte elle dit se rapprocher naturellement des environnements culturels mélangés. D’ailleurs elle enseigne à Saint Denis, ville qu’elle affectionne particulièrement pour sa mixité.

« Nappy » is beautiful

« Habituée à sa tête », Valérie ne se questionne pas sur son image. C’est plutôt les autres qui l’interpellent sur ses origines en lui prêtant souvent des ascendances imaginaires… On la prend pour une marocaine, on lui parle souvent en arabe, quant à sa sœur elle passe pour une caucasienne bronzée qui rentre du ski ! Ces regards ne semblent pas la perturber, elle en joue, elle en rit même !

Valérie ne ressemble pas à ses parents et en particulier à sa mère qui a les cheveux blonds platine et les yeux verts. Enfant, elle se demande pourquoi les poupées noires n’existent pas. Je repense à cette terrifiante vidéo du « test de la poupée noire » qui montre comment dès leur plus jeune âge les enfants (qu’ils soient noirs ou blancs) sont conditionnés à la dévalorisation systématique des noirs…

Plus tard, Valérie mène des combats qu’elle incarne avec passion ; le premier concerne le cheveu naturel des noirs ! Nous échangeons longuement sur ce thème très important pour elle. Elle évoque le mouvement « Nappy » (Natural & Happy). « Pourquoi le cheveu lisse serait-il plus beau que le cheveu bouclé ? » Exit les tissages et crinières Beyoncé !

« Pourquoi le cheveu lisse serait-il plus beau que le cheveu bouclé ? »

 

Valérie encourage et valorise ses élèves qui « franchissent le cap » et milite pour la libération capillaire ! À cet instant elle passe sa main dans ses cheveux et me révèle son astuce beauté : de l’huile de brocolis pour hydrater ses boucles souples. Autre sujet de cœur : les courbes et rondeurs. Cette créative plantureuse fabrique ses vêtements et veut valoriser le corps de la femme ronde ! Un hymne à la beauté Callipyge ! Son premier métier fut d’ailleurs styliste.

Brown skin lady

Aujourd’hui, lorsqu’elle se retrouve en conflit avec les autres, elle se demande si effectivement, « ce ne serait pas lié à ça… » Mais cette explication n’intervient qu’en dernier recours. Ses parents dont l’union a d’ailleurs été très bien accueillie par leurs familles respectives, ont eux été plus directement confrontés au racisme. Un jour sa mère qui travaille chez Elisabeth Arden, se voit reprocher qu’un homme noir vienne la chercher sur son lieu de travail. Le midi même, elle démissionne.

Quant à Valérie, elle raconte qu’un jour en voiture avec sa sœur, un chauffard a hurlé “Sales négresses !” Explosion de rires non concertée et réciproque pour les deux sœurs dans la voiture tant l’insulte leur paraît improbable.

Enfant, en revanche, elle révèle que sa couleur fut une grande source de souffrances ; élevée à Franconville dans le Val d’Oise, elle fait l’objet de moqueries et de rejets. Aux enfants qui ne veulent pas jouer avec elle, elle crie : « Mais non je ne suis pas noire, je suis marron ! »
C’est sans doute l’une des premières expériences qui a forgé le caractère si combatif et engagé de Valérie.

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Aux enfants qui ne veulent pas jouer avec elle, elle crie : « Mais non je ne suis pas noire, je suis marron ! »

Portrait mixologies

si Valérie était :

Un animal
un chat : la vie idéale… On s’occupe de toi, tu es le chef de la maison…
Une odeur
le jasmin
Un cocktail
un planteur
Un son
le bruit des oiseaux « Apaisant et délicieux »
Un plat
les accras de morue
Une couleur
le bleu
Un verbe
PO-SI-TI-VER
Un objet
une pierre précieuse, « obsidienne oeil céleste »
Un sentiment
la plénitude… malgré tout !
Une devise
« Le Non, je l’ai déjà, je ne risque que le Oui !” ou “Je marche toujours du côté ensoleillé de la rue. »
Une musique
« Black music only », le zouk la transcende et le « gwoka » la fait vibrer.

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